Qu'est ce que la cardiomyopathie Dilatée ?

Qu’est-ce que la cardiomyopathie dilatée (CMD) ?
La cardiomyopathie dilatée (CMD), aussi appelée myocardiopathie dilatée, est une affection
du myocarde (ou muscle cardiaque) associée à une dilatation du coeur. De très nombreuses
causes peuvent aboutir à une telle situation. Il est donc essentiel de comprendre
qu’il s’agit non pas d’une maladie mais d’un syndrome.
Quelle que soit l’origine, dans la majorité des cas, les conséquences d’une telle atteinte
du myocarde sont assez comparables : la mauvaise contraction du coeur est responsable
d’une baisse du débit de sang envoyé dans l’organisme. Il s’ensuit l’apparition d’un certain
nombre de symptômes, communs à l’installation d’une insuffisance cardiaque.
Ce syndrome se rencontre dans de nombreuses espèces animales. Chez le chien il est
plus fréquent dans les races de grande taille ou géantes : Dogues, Mastiff, Irish Wolfhound,
Labrador, Berger allemand,Dobermann, Boxer … Il touche plutôt des adultes de 5 à 10 ans. Le Doberman, le Boxer et le Cocker présentent des formes d’évolution souvent un peu particulières.
Face à un tel syndrome, il faut toujours tenter d’identifier la cause.
Chez le chien, la prédisposition de certaines races suggère un support héréditaire et un
certain nombre d’anomalies génétiques pourront probablement être diagnostiquées dans
les prochaines années.
Dans la majorité des cas, la cause est incertaine ou inconnue. Elle peut être
la conséquence d’agressions plus ou moins anciennes du myocarde : virales, inflammatoires,
hormonales, toxiques, nutritionnelles, immunitaires,… ce qui explique que la durée et
les modalités d’évolution de ce syndrome sont assez variables.
Quand suspecter une cardiomyopathie dilatée (CMD) ?
Les symptômes sont souvent tardifs et peu spécifiques : fatigabilité récente, baisse de l’état
général, amaigrissement. Des formes d’emblée graves avec difficulté respiratoire (dyspnée),
malaises, ascite, toux, perte d’appétit, … d’apparition brutale, ne sont pas exceptionnelles,
en particulier chez le Doberman.
Lors de la consultation, certaines anomalies vont permettre, en général, de suspecter
l’évolution d’une affection cardiaque : pouls faible, fréquence cardiaque élevée, rythme
cardiaque irrégulier, souffle cardiaque, …
Par le Docteur Jean Philippe CORLOUER,
Service de Médecine - Cardiologie, CHV FREGIS
Des lignées à risque ??
Conclusions données par le Dr Charrier (ancien président du DCF) lors d'une conférence sur les tares chez le Dobermann dont la CMD lors de l'assemblée générale de l'IDC :
Le traitement de cardiomyopathie dilatée
Grade I
On détecte rarement les patients asymptomatiques souffrant d'une cardiomyopathie dilatée parce que
dans la plupart des cas et contrairement à ce qui est observé lors de fibrose mitrale, l'examen général
ne révèle pas d'anomalies. Les souffles cardiaques sont souvent absents ou très faibles. Les premiers
symptômes sont fréquemment des anomalies fonctionnelles systoliques et/ou diastoliques qui ne sont
décelables que par un examen échocardiographique approfondi et minutieux. Des arythmies tels que
les extrasystoles ventriculaires peuvent être présentes de manière latente, mais leur fréquence est
parfois si faible qu'elles peuvent passer inaperçues lors de l'examen général et n'être décelables qu'au
moyen d'un monitoring Holter.
Ces patients au grade I sont donc généralement détectés suite à des examens cardiologiques
approfondis, systématiques et préventifs, dans un contexte pré-opératoire ou dans le cadre de
dépistage chez les races prédisposées.
Contrairement aux patients atteints d'une insuffisance mitrale, ceux qui souffrent d'une
cardiomyopathie dilatée latente sont généralement immédiatement traités par une thérapie basée sur
l’administration d’IECA. Ce traitement a un caractère préventif en ce sens qu’il peut ralentir l'évolution
vers les grades II et III. C’est particulièrement le cas chez le Doberman atteint de cardiomyopathie.
Grade II
Une fois le grade II atteint, l'insuffisance cardiaque se manifeste par un dysfonctionnement du
myocarde plus sérieux qu’au stade précédent l’opposant à l'insuffisance mitrale caractérisée par une
valvule défectueuse mais une fonction myocardique généralement encore intacte à ce stade. Le
dysfonctionnement myocardique peut être systolique et diastolique. Il s'accompagne souvent de
troubles du rythme, notamment une fibrillation auriculaire.
Les médicaments à prendre en compte pour le traitement de cette affection sont les substances
inotropes positives, les diurétiques, les IECA et les anti-arythmiques. Les substances inotropes
positives les plus fréquemment utilisées actuellement sont les glycosides du groupe de la digitale et le
pimobendan. Ce dernier est parfois désigné comme étant un inodilatateur du fait de ses propriétés
vasodilatatrices et inotropes positives.
La digoxine est le glycoside le plus utilisé pour ses propriétés inotropes positives et chronotropes
négatives. Il se peut qu’il sera progressivement remplacé par le pimobendan dont l’effet inotrope est
plus marqué. Néanmoins, chacune de ces molécules garde leurs spécificités qu’il convient de garder
en mémoire pour les exploiter au mieux en fonction de l’état clinique du patient.
Le pimobendan améliore aussi bien la fonction systolique que la fonction diastolique du myocarde en
plus de ses effets hémodynamiques favorables aux niveaux systémique, myocardique et rénal. Des
études ont montré une influence positive sur la qualité et la durée de vie de l'animal, en comparaison
avec des traitements à base de diurétiques, d'IECA et éventuellement de glycosides digitaliques.
Le pimobendan a un coefficient thérapeutique élevé, ce qui explique que les intoxications et les effets
indésirables soient rares et que son usage ne requiert pas une connaissance pharmacocinétique très
élaborée, contrairement à la digoxine (voir plus loin).
Des essais cliniques ont démontré qu’en comparaison avec des traitements à base de diurétiques et
de glycosides digitaliques, les IECA ont eux aussi une influence positive sur la qualité de vie et parfois
sur la durée de vie de l'animal. Il reste à définir si une combinaison de pimobendan et d'un IECA
n'aboutit pas à de meilleurs résultats cliniques que ceux obtenus lorsque ces molécules sont utilisées
séparément. Cette question reste pendante.
Les diurétiques sont en général nécessaires pour réduire la précharge afin de prévenir et/ou stabiliser
les oedèmes. Le furosémide est un diurétique souvent utilisé à cet effet.
Des troubles du rythme sont fréquents chez ce type de patients. Le traitement spécifique adéquat des
arythmies telles que des extrasystoles ou des tachycardies ventriculaires n'est pas abordé ici et relève
de la compétence du spécialiste interniste. La fibrillation auriculaire est cependant envisagée ici pour
indiquer que les anti-arythmiques n'ont pas vraiment leur place dans le traitement de la fibrillation
auriculaire chez le chien.
La fibrillation auriculaire est un trouble du rythme très courant chez le chien souffrant d'une
cardiomyopathie dilatée. La pathologie sous-jacente (dilatation et dégénérescence graves de
l'oreillette) est telle chez le chien que la fibrillation est irréversible et que le traitement se limite à
réduire la fréquence ventriculaire lorsque celle-ci est trop élevée (supérieure à 140-160/min à l'état de
repos), comme c’est généralement le cas. Les anti-arythmiques ne sont donc pas recommandés dans
le cas d'une fibrillation auriculaire chez le chien.
On utilisera des médicaments à effet dromotrope
négatif tels que la digoxine, les béta-bloquants et les antagonistes du calcium. Ceux-ci ralentissent la
conduction dans le noeud auriculo-ventriculaire et réduisent ainsi le nombre de stimulations atteignant
les ventricules et donc la fréquence ventriculaire. La digoxine possède, à côté de ses effets inotropes
et chronotropes positifs bien connus, d'autres propriétés notamment le ralentissement de la
conduction électrophysiologique au niveau du noeud auriculo-ventriculaire. Cet effet dromotrope
négatif est une des raisons majeures justifiant encore la place de la digoxine dans le traitement de
l'insuffisance cardiaque. Des molécules comme le pimobendan exercent un effet inotrope positif plus
marqué. D’autres médicaments à effet dromotrope négatif ont en même temps un effet inotrope
négatif, ce qui peut être nuisible aux patients souffrant du myocarde. C’est le cas des béta-bloquants
et de certains antagonistes des canaux à calcium. Le pimobendan n'a pas cet effet ou peut induire un
effet dromotrope positif.
La digoxine est un produit dont la demi-vie d’élimination est longue ce qui rend la stabilisation
pharmacocinétique difficile et qui peut facilement conduire à une intoxication. Pour l'éviter, un certain
nombre de règles doivent être prises en compte. Il est ainsi déconseillé d'administrer la digoxine de
manière parentérale et/ou d'administrer une dose de charge. En outre, il est recommandé de calculer
la dose de digoxine nécessaire sur base de la superficie du corps et de déduire au préalable
l'excédent d'eau et de graisse du poids de l'animal. La mesure des concentrations sériques stabilisées de digoxine
avant la nouvelle prise de médicament et huit à dix heures plus tard peut aider à prévenir
des intoxications graves. Il faut rappeler que la stabilisation n’est atteinte que huit à dix jours après le
début de la thérapie ou après tout changement posologique.
Des antagonistes des canaux à calcium ou des béta-bloquants peuvent être ajoutés au traitement
lorsque la fréquence ventriculaire chez les patients souffrant d'une fibrillation auriculaire ne diminue
pas suffisamment avec la digoxine et les autres traitements. Ceci doit cependant être accompli avec la
plus grande prudence car ces molécules ont également, à côté de leur effet dromotrope négatif, des
propriétés inotropes négatives et hypotensives qui peuvent engendrer, surtout chez les patients au
grade III, une aggravation de leur état. On doit débuter avec une dose limitée et adapter ensuite la
posologie sur base des effets cliniques. On notera que les béta-bloquants connaissent un regain
d'intérêt ces dernières années de par leur effet positif à long terme. A court terme, ils peuvent avoir
une influence défavorable à cause de leur effet inotrope négatif, voire engendrer un collapsus ou une
mort cardiaque immédiate. A plus long terme, les béta-bloquants peuvent avoir une influence
favorable comme l'ont démontré des essais cliniques en médecine vétérinaire autant qu'humaine.
Pour les patients au grade II, une monothérapie, parfois suffisante, sera instaurée. Le choix se portera
vers une combinaison de plusieurs médicaments selon la présence ou l’absence d'une fibrillation
auriculaire et selon la réaction de l’animal au traitement reposant sur l’administration unique de
substances inotropes positives.
Grade III
L'évolution du grade II au stade supérieur est généralement beaucoup plus rapide chez les patients
souffrant d'une cardiomyopathie dilatée que chez ceux atteints d'une insuffisance mitrale. Le
vétérinaire recevra donc souvent ces animaux à un stade déjà plus avancé que ceux présentant une
insuffisance mitrale. Ils sont déjà parfois même en état de choc cardiogénique, particulièrement chez
les Dobermans. Le traitement du choc cardiogénique (patients au grade IIIb) n'est pas abordé dans
cette synthèse. Nous nous limitons ici aux patients ayant franchi le grade IIIa. Dans ce cas, les
monothérapies ne suffisent plus. De plus, la dose doit être déterminée avec davantage de précautions
que dans les affections moins graves afin d'éviter des effets secondaires et une aggravation de l'état
clinique. Les causes de cette élévation du risque d'effets indésirables graves sont diverses. La
clairance diminuée des principes actifs due à un dysfonctionnement hépatique et rénal, la réduction
du volume de distribution et une dépendance accrue vis-à-vis de certains mécanismes de
compensation expliquent en partie cette situation. Ainsi, une baisse radicale de la fréquence
cardiaque chez les animaux souffrant d'une tachycardie peut conduire à une diminution du débit
cardiaque. Le patient est devenu dépendant d'une fréquence cardiaque élevée pour maintenir son
débit cardiaque débit. Une diurèse trop drastique peut diminuer les oedèmes mais engendrer un
collapsus: le patient est en effet devenu dépendant d'un volume et d'une pression télédiastolique
élevés qui compensent la diminution grave et irréversible de la contractilité et de la compliance
diastolique.
On utilise les mêmes médicaments que pour les patients en grade II, mais en tenant compte des
nuances mentionnées. Le furosémide ne suffit pas toujours à lui seul pour maîtriser ou stabiliser les
oedèmes chez les patients de grade III. On peut utiliser dans ce cas-là des combinaisons de
furosémide avec de la spironolactone ou des thiazides. La combinaison d’un diurétique hypo- et
hyperkaliémiant permet de maintenir une kaliémie dans les normes physiologiques. Dans certains cas,
l’ionogramme indiquera la nécessité d’un apport exogène supplémentaire en potassium. Rappelons ici
la synergie entre le furosémide et les digitaliques aboutissant à un surdosage possible dont les vomissements sont les premiers symptômes.
4 Conclusions
Les traitements suivants sont donc recommandés en fonction de la gravité de la maladie et l’origine de
l’insuffisance:
Cardiomyopathie dilatée
Grade I: les IECA pourraient ralentir l’évolution vers les grades II et III.
Grade II: la digoxine connue pour ses propriétés inotrope positive et chronotrope négative peut-être
remplacée par le pimobendan exerçant des effets inotropes positifs et vasodilateurs. L’effet domotrope
négatif au niveau du noeud auriculo-ventriculaire de la digoxine justifie encore son usage en cas de
fibrillation auriculaire et ce malgré l’adaptation posologique difficile liée à la cinétique particulière de
cette molécule. Les béta-bloquants et les antagonistes des canaux à calcium sont parfois utilisés en
combinaison avec les molécules précitées pour réduire la fréquence ventriculaire chez des chiens
présentant des fibrillations auriculaires, lorsque les autres traitements se sont avérés inefficaces. Leur
effet inotrope négatif rend leur usage néanmoins délicat.
Grade III: les mêmes médicaments que ceux signalés pour le grade II sont utilisés. Le furosémide,
éventuellement combiné aux thiazides ou à la spironolactone, permet de contrôler les oédèmes.
lien de l'article : https://www.cbip-vet.be/fr/frinfos/frfolia/02FVF3a.pdf